Mohamed Melainine Ould Eyih, a été élu nouveau président du Parti « rechemisé ». Evènement attendu et pourtant « inentendu », sa propulsion au sommet de la plus grande et la plus puissante formation politique du pays doit certainement avoir une signification.
Si le président Ghazouani est allé « si loin, si proche » pour appeler Ould Eyih à la barre d’El INSAF qui devient maintenant son Parti propre à lui, il doit bien y avoir une raison, une raison qui, pour certains même s’ils ne le disent pas, est quand même surprenante.
Elle est surprenante parce qu’il est très difficile de comprendre pourquoi, Ould Ghazouani qui dispose d’une panoplie d’hommes politiques pour la plupart très bien rôdés a plutôt porté son choix sur un homme surgi du néant politique.
La question mérite d’être posée. Doit-on comprendre par cet événement « inattendu » (qui n’était un secret pour personne avant son annonce), que Ghazouani ne veut plus confier son avenir politique aux anciens « usés » par des surexploitations démesurées au profit de différents présidents qui se sont succédés, ou lire dans cette décision prise, une manœuvre de faire venir à la tête du nouveau Parti un homme peu connu, pour passer à « l’énergie politique propre ? »
INSAF, un nouveau look pour fonctionner à l’hydrogène vert ?
Si Ould Abdel Aziz, l’ancien président a des problèmes en ce moment et se débat dans un filet de « pêche » jeté judiciairement sur lui pour le « neutraliser » politiquement, Ould Ghazouani de son côté se débat seul ou presque face à des problèmes multiples.
Il a tous les politiciens de l’opposition qui lui crient dessus en ordres dispersés dans un vacarme assourdissant et épouvantable. Il a les négros-mauritaniens ou plus exactement les halpoulars, dispersés dans des revendications multiples, qui lui tirent dessus sans ménagement pour des fautes commises par ses prédécesseurs.
Il a ses électeurs qui sont déçus par ses hésitations qui prennent l’allure d’une certaine « ingérence » qui empêche la justice de faire son travail de répression de tous les accusés dans le dossier de la Décennie sans distinction et sans parti pris. Il a les Harratines, cette colonne vertébrale des maures qui, depuis plusieurs années, souffre d’une hernie discale, pathologie dégénérative causée par le frottement de Biram Ould Dah Ould Abeid contre Samba Thiam dans une superposition d’idéologies extrémistes et séparatistes.
Il a le problème des forgerons, ces mal-aimés et proportionnellement délaissés. Il a le problème des griots, cette « secte » artistique dont les anciennes générations disparues ont laissé place à une gamme de nouveaux intellectuels de très hauts niveaux mais qui sont toujours classés au « patrimoine » du département de la culture au lieu d’être injectés dans des circuits de responsabilités pour les délaver de cette appartenance à une profession devenue archaïque.
Et en plus de tous ces problèmes qui commencent à peser très lourd dans la balance d’une fracture sociale qui déchire la cohésion nationale, le président Ghazouani, un soufi qui ne peut continuer à regarder tant d’injustices sans réagir, fait face également à un véritable cancer qui divise les mauritaniens. Celui de ces hommes politiques convertis en hommes d’affaires qui ne se retranchent derrière leur adhésion au Parti du pouvoir que pour piller les biens publics, en obtenant des contrats de marchés énormes dont les exécutions sont très lentes et « saccadées », ce qui rend les bailleurs de fonds de plus en plus agacés par ces agissements très contreproductifs tolérés par le pouvoir.
Ould Eyih, pour siffler la fin d’une recréation qui a trop duré.
A 54 ans, Master en Sciences Economiques, Maitrise en Enseignement Technique d’un Centre d’enseignement académique de référence de France, Ould Eyih un homme inconnu dans les milieux politiques mauritaniens, très « isolé » et peu bavard, a-t-il été appelé pour mettre de l’ordre dans un désordre épouvantable instauré depuis la chute de Ould Haidalla ?
Ould Eyih, l’ancien universitaire de Toulouse aura besoin de son génie en ingénierie pour construire une ossature politique résistante aux chocs qui vont évidemment suivre le séisme qui a secoué la Mouvance de l’ancien UPR par l’affectation à sa tête d’un inconnu peut être en mission secrète commandée pour Ould Ghazouani qui veut voir les choses bouger dans le sens de ses engagements.
Le nouveau Parti qui veut prendre un « bain de Ganges » pour se purifier des péchés énormes commis par des hommes et des femmes militants d’un Parti qui est, ce n’est un secret pour personne, à l’origine de tous les maux dont souffre actuellement le pays va t’il dire adieu aux vieilles pratiques ?
Ould Ghazouani en décidant, ou en laissant décider à sa place de se porter candidat aux élections présidentielles qui n’ont été remportées que grâce à l’assaut lancé depuis Nouadhibou par Ould Abdel Aziz et ses troupes électorales, fait face à des obligations morales contraignantes vis-à-vis de ses électeurs.
Si Ould Ghazouani, a donc joué avec la sagesse en décidant de voler politiquement de ses propres ailes grâce à une formation politique « rechemisée », « révisée » ou « segmentée », il joue peut-être aussi avec le feu.
En lançant son Parti INSAF sur une nouvelle trajectoire pour plus d’équité, Il est possible qu’il n’ait pas la même vision que ceux qui font et défont les présidents. C’est bien évident. Ghazouani est bien conscient que dans ce pays, il y’a malheureusement des mauritaniens très proche de la Mouvance Présidentielle ou confondue à elle, qui ne peuvent pas évoluer dans un environnement d’Honneur, de Fraternité et de Justice lorsqu’il y’a quelque chose à partager équitablement avec les autres.
Et, les autres, ce sont ces négros-mauritaniens,, ces harratines, ces forgerons, ces griots, ces Zenagas qui constituent le noyau le plus important d’une population hétéroclite qui est maintenant profondément divisée par des écarts énormes dans l’égalité des chances et qui commencent à cracher du venin.
C’est bien pourquoi, en plus de la bénédiction de sa Sainte mère, Ould Ghazouani est allé se recueillir sur la tombe du prophète et accomplir un Hajj dont il aura réellement besoin, pour laver les péchés commis pour n’avoir décidé plutôt de penser aux misérables de Victor Hugo, ces pauvres qui découvrent maintenant que l’écart de richesse qui les séparait des autres, dépasse l’imaginable.
La liste des biens mal acquis d’El Mourkhy, l’ancien Directeur Général de la Somelec donne du tournis à la vendeuse de « bassi » de la grande épicerie de Zaatar qui somnole un nourrisson sur les jambes, attendant un client qui se fait de plus en plus rare.
Ghazouani et Ould Eyih, le premier président de son nouveau parti éloigné de sa base, doivent chercher à réduire les écarts qui séparent ceux qui vivent dans un luxe insolent et ceux qui tendent la main aux feux rouges de la Mauriposte pour mendier.
Ould Eyih, bardé de diplômes réussira-t-il à rappeler à l’ordre ces Messieurs qui roulent dans des bolides et qui passent leurs vacances au bord du Bosphore loin des quartiers pauvres dont les populations vivent d’une charité mal ordonnée qui commence par les riches ? Qui vivra verra.
Mohamed Chighali
Journaliste indépendant